L’œuvre de J.S. Bach pour le luth n’a jamais cessé d’être l’objet de diverses controverses. En effet, malgré une tradition d’étude de ces pièces aussi bien parmi les luthistes que parmi les guitaristes modernes, il est en fait vraisemblable de penser que pratiquement aucune de ces pièces n’ait été réellement conçue à l’origine pour cet instrument.
On constate deux types de compositions traditionnellement classifiées pour le luth dans l’œuvre de Bach:
D’une part, les transcriptions de pièces écrites à l’origine pour d’autres instruments, à savoir la Suite BWV995, transcrite par Bach à partir de sa propre suite pour violoncelle BWV1011, et la Partita BWV1006a, transcription de la Partita pour violon No.3 BWV 1006, largement réutilisé par Bach lui-même dans d’autres contextes.
D’autre part, la Suite BWV996, la Partita BWV997 et le triptyque Prélude, Fugue et Allegro BWV998 constituent, à l’évidence, un ensemble de pièces conçues très probablement pour le lautenwerk, instrument à clavier pourvu de cordes en boyau et disposant d’un fond arrondi qui le rapprochait de la sonorité du luth, tout en restant un clavier conventionnel.
Néanmoins, comme c’est le cas de l’ensemble de la musique instrumentale de J.S. Bach, ces pièces constituent un objet d’étude particulièrement intéressant et présentent des caractéristiques uniques lorsque elles sont abordées sur le luth. Il s’agit non seulement de véritables chefs-d’oeuvre de part la richesse de leur écriture, mais également d’un défi d’un intérêt tout particulier, aussi bien du point de vue technique que de l’exécution musicale proprement dite.
Diego Salamanca se consacre au répertoire du luth baroque depuis plusieurs années et propose en récital une lecture de trois de ces œuvres, jouées sur un luth à 13 cœurs, instrument en usage à l’époque et joué couramment dans l’entourage musical de Bach. Le programme se compose de la Suite en Sol mineur BWV995, la Partita en Do mineur BWV997 et Prélude, Fugue et Allegro en Mi bémol majeur BWV998. Le choix de ces trois œuvres répond au fait qu’elles peuvent être jouées dans leurs tonalités d’origine. Le luth est poussé dans ces pièces jusque dans ses ultimes possibilités et le musicien est ainsi confronté à un style de jeu totalement inhabituel dans le contexte du répertoire de l’instrument à la même période.