Vendredi 30 septembre à 20h22

Complet !

Lachrimae Lyrae

Les larmes de l'exil
Socratis Sinopoulos • lyra grecque

Ensemble l'Acheron

François Joubert-Caillet
Andreas Linos
Lucile Boulanger
Sarah van Oudenhove

violes de gambe

Lachrimae Lyrae

Les larmes de l'exil

La lyra grecque, comme la viole de gambe, est l’instrument de la mélancolie. L’une et l’autre, aux âges d’or de leurs histoires, étaient utilisées pour exprimer ce sentiment si particulier, cet état d’âme qui nourrit tant de musiques, au-delà des mots. Ces deux instruments, à des périodes différentes et dans des circonstances diverses, ont connu des utilisations et des destins identiques : s’il est -encore- impossible de tisser un lien historique entre la lyra et la viole, il est pourtant stupéfiant de remarquer à quel point elles se ressemblent, comme des soeurs qui s’ignoreraient, évoluant chacune en écho l’une de l’autre, à quelques siècles de distance, dans des régions éloignées, exprimant et vivant les mêmes choses sans jamais se rencontrer.

Sur le plan technique, toutes les deux utilisent la même position d’archet «paumes vers le ciel», sont en forme de poire, leur accord est similaire également ; sur le plan artistique, elles étaient, chacune dans leur monde, l’instrument idiomatique de ce que les grecs nomment l’harmolipi, la tristesse joyeuse, le plaisir d’être malheureux. En Angleterre, le chantre de cette mélancolie est certainement John Dowland (1563-1626) et son recueil de Lachrimæ or the Seaven Teares (1604) : avec sept pavanes, il décline ce thème avec des tableaux complémentaires, de la mélancolie amoureuse aux larmes pieuses d’une illumination mystique. Ces Lachrimæ sont suivies de danses allègres, symbolisant l’espoir d’un salut retrouvé.

Jouée par des musiciens grecs à Constantinople dès l’époque de l’Empire byzantin jusqu’au début du XVIIème siècle, la lyra a développé un répertoire marqué par cet exil en Empire Ottoman, une nostalgie et un mal du pays que l’on retrouve dans l’oeuvre de John Dowland, expatrié lui aussi au Danemark dans les années de composition de ses Lachrimæ. Autre point commun : les tavernes britanniques et grecques étaient des lieux où la musique était écoutée attentivement, dans le silence, la viole de gambe et la lyra étant chacune des actrices incontournables de ces concerts populaires où l’on pleurait puis dansait, créant une sorte de rite purificateur et mystique.

Ce programme désire faire entendre la rencontre en miroir de ces deux instruments et des mondes élisabéthain et byzantinottoman, mais décrire également un récit cathartique, une métamorphose heureuse, des ténèbres à la lumière et de la déploration à la fête. Cette musique se fera aussi l’écho des larmes versées par des millions de personnes forcées à l’exil aujourd’hui.

Sokratis Sinopoulos est un maître contemporain de la lyre, un petit instrument à archet de l’ère byzantine. Son jeu délicat et très expressif a été acclamé unanimement. Sinopoulos a collaboré avec de nombreux musiciens dans le monde entier, aussi bien dans les domaines du jazz et du classique que dans les traditions populaires grecques ou méditerranéennes. Né à Athènes en 1974, il étudia la musique byzantine et la guitare classique étant enfant, puis commença de jouer la lyre en 1988 sous l’enseignement de Ross Daly. Son talent remarquable le fit rapidement rejoindre le groupe de Daly : Labyrinthos. Depuis il fit un nombre incalculable de concerts et d’enregistrements avec des musiciens tels qu’Elena Karaindrou, Charles Lloyd et Loreena McKennitt. En 1999 il fut honoré de recevoir le Prix National pour Jeunes Artistes Melina Mercouri. En 2010 il créa le Sokratis Sinopoulos Quartet avec le pianiste Yann Keerim, le bassiste Dimitris Tsekouras et le percussionniste Dimitris Emmanouil et les encouragea à improviser librement en trouvant un terrain musical commun plutôt que d’adhérer à un genre spécifique. Leur premier album Eight Winds fut produit par Manfred Eicher pour le label ECM en 2015 et reçut un accueil enthousiaste. Sokratis est professeur assistant dans le Département de Sciences Musicales et d’Art à l’Université de Macédoine à Thessalonique, en Grèce.

Après des études de flûte à bec, piano et contrebasse, François Joubert-Caillet se forme à la viole de gambe à la Schola Cantorum Basiliensis auprès de Paolo Pandolfo avec lequel il étudie également les improvisations anciennes, ainsi qu’avec Rudolf Lutz. Il a remporté le 1er Prix et le Prix du Public du Concours International de Musique de Chambre de Bruges.
François Joubert-Caillet a joué avec divers ensembles de musique ancienne avec lesquels il a enregistré pour les labels Ricercar, harmonia mundi, Ambronay, K617, ZigZag Territoires, Arcana, Winter & Winter, Aparté, Glossa, Sony, Naïve, etc.
En résidence à l’Arsenal de Metz, François Joubert-Caillet mène L’Achéron avec lequel il se produit sur de nombreuses scènes européennes dans diverses formations, notamment le consort de violes de gambe. Il enregistre ses disques chez Ricercar – Outhere : Le Nymphe di Rheno de Johannes Schenck en duo avec Wieland Kuijken, The Fruit of Love d’Anthony Holborne, les Ludi Musici de Samuel Scheidt (Diapason d’Or), les Ouvertures de Johann Bernhard Bach
(Echo Klassik) et Fancies for the viols d’Orlando Gibbons.
Depuis l’automne 2014, François Joubert-Caillet a entrepris l’enregistrement de l’intégrale des Pièces de viole de Marin Marais pour Ricercar. Ce projet titanesque (cinq Livres, plus de 600 pièces, une vingtaine de disques) a vu le jour en février 2016 avec la sortie d’un premier disque de Pièces favorites du compositeur et le 1er Livre (4 CDs) est paru en 2017 (Diapason d’Or et Choc de Classica).

Dans la mythologie grecque, l’Achéron est le fleuve que traverse Orphée pour secourir Eurydice des Enfers. Comme son nom l’inspire, L’Achéron veut ouvrir une voie entre deux mondes apparemment opposés : celui des vivants et des défunts, le passé et le présent, l’idéal et la réalité.
Fondé en 2009 par François Joubert-Caillet, L’Achéron est constitué d’une jeune génération de musiciens aux origines variées ayant été formés dans les plus grandes écoles de musique ancienne (la Schola Cantorum Basiliensis, les Conservatoires Nationaux Supérieurs de Lyon et Paris, les Conservatoires Royaux de Bruxelles et La Haye, etc.). Ses musiciens ont pour certains d’autres facettes artistiques: le théâtre, la mise en scène, les danses anciennes ou contemporaines, l’écriture, l’improvisation, les marionnettes, la facture d’instrument ou la prise de son composent l’éventail des passions se croisant dans l’ensemble.
L’Achéron désire renforcer les liens entre les musiciens et le public en rendant les musiques anciennes accessibles sans les dénaturer, mais au contraire en se plongeant profondément dans l’instrumentarium coloré et les pratiques musicales multiples de la Renaissance et du Baroque. Tentant de peindre avec la palette la plus riche ces musiques si vivantes, la traversée que L’Achéron propose est à la fois temporelle et sensible, les saveurs d’autres temps y sont intensément cultivées. La formation première de L’Achéron est le consort de violes de gambe : depuis 2013 le luthier Arnaud Giral accompagne l’ensemble en construisant un consort typiquement anglais. Cinq instruments ont d’ores et déjà vu le jour, donnant à ce consort une homogénéité, une profondeur et une richesse harmonique uniques. Un virginal et un orgue britanniques vont prochainement les rejoindre…
L’Achéron s’associe régulièrement avec des artistes aux horizons différents : son projet L’Orgue du Sultan l’a fait collaborer avec l’ensemble Sultan Veled dans une rencontre des musiques élisabéthaine et ottomane, les Lachrimæ Lyræ avec le maître de la lyra grecque Sokratis Sinopoulos ; il participera également à la création de Gilgamesh Epopee de Zad Moultaka ou à un album de musique éléctronique avec le DJ Marc Romboy et Tamar Halperin…
L’Achéron est en résidence à l’Arsenal de Metz et s’est basé à Nancy. Il est invité à se produire dans divers festivals et saisons musicales en Europe tels que les festivals de Saintes, Sablé, Royaumont, Auditorium du Louvre, Tage Alter Musik Regensburg, Festival Bach de Lausanne, Concertgebouw de Bruges, Oude Muziek d’Utrecht, Philharmonie de Varsovie, etc.
Au disque, L’Achéron enregistre pour le label Ricercar – Outhere. Il a fait paraître The Fruit of Love consacré à Anthony Holborne, les Ludi Musici de Samuel Scheidt (Diapason d’Or), le Requiem de Johann Caspar Kerll avec l’ensemble Vox Luminis, les Ouvertures de Johann Bernhard Bach (Echo Klassik), Pièces favorites de Marin Marais dont l’intégralité des Pièces de Viole est enregistrée par François Joubert-Caillet (le 1er Livre a reçu un Diapason d’Or et un Choc de Classica). Dernière parution à l’automne 2017 : Fancies for the viols d’Orlando Gibbons qui fut utilisé comme bande originale de La Tempête de William Shakespeare à la Comédie Française mise en scène par Robert Carsen.