Lundi 21 novembre 2022 à 20h22

Caroline SHAW / Mel BONIS

I Giardini

violon • Shuichi Okada
alto • Léa Hennino
violoncelle • Pauline Buet
piano • David Violi

Programme

Caroline Shaw (née en 1982)
Thousandth Orange

Mel Bonis (1858 – 1937)
Deux pièces pour trio op 76 
• Soir
• Matin

Caroline Shaw
The Wheel (commande I giardini 2021, dédié à Pauline et David)

Mel Bonis
Quatuor avec piano en si b majeur op 69
• moderato
• intermezzo
• andante
• finale

NOTES D’INTENTION
Thousandth Orange par sa compositrice, Caroline Shaw
Thousandth Orange commence par une progression très simple de 4 accords. Rien d’extraordinaire. Rien d’extravagant. Juste quelque chose d’assez beau et de tous les jours, qui est apprécié et aimé, consommé et oublié. Quelque chose que vous avez probablement entendu auparavant, dans une chanson pop ou un cours de théorie musicale. Tout en considérant mon amour pour les quatuors avec piano de Brahms et mon souvenir de les jouer – et plus généralement comment nos souvenirs de musique bien-aimée évoluent au fil du temps – j’ai commencé à penser à l’histoire des natures mortes. Ces bols de fruits que nous voyons encadrés dans les musées – peu beaux et banals, à première vue, mais ensuite plus riches quand on les considère dans l’histoire de la peinture. Il y a une raison pour laquelle Van Gogh a peint encore et encore ces vases de tournesols, ou Caravaggio son fruit. Peut-être qu’après la dixième, ou la centième, ou la millième fois, on peint, ou regarde, ou mange, une orange, c’est aussi beau que la première fois. Il y a encore plus à voir, à entendre et à aimer. Plus d’angles se révèlent – plus de perspectives, de coins et d’histoires, plus de compréhension – plus d’appréciation de quelque chose que la plupart considérerait comme banal. Thousandth Orange parle de ces minuscules révélations obliques que le filtre du temps peut ouvrir dans une mémoire musicale. Le titre suggère également mille nuances différentes de la couleur orange, ou l’image de mille oranges, ou peut-être mille façons de regarder une orange.

Quatuor avec piano en sib majeur op. 6 de Mel Bonis par Rodolphe Bruneau-Boulmier*
Cette brillante condisciple de Debussy au conservatoire, fille d’ouvrier, a d’abord dû assurer et assumer son ascension sociale avant de se consacrer pleinement à son art. Sa démission du conservatoire pour un mariage malheureux avec un riche industriel, l’éducation de trois enfants, ses inquiétudes religieuses n’ont pas facilité sa carrière. Pourtant, le feu sacré,
 la solidité du métier, l’inspiration demeurent chez Mel Bonis. Son premier quatuor avec piano fut une étape décisive au tournant du siècle.
Composé entre 1900 et 1905, par une femme de plus de quarante ans, il se souvient de son amour pour la musique de Franck (dont elle a suivi les classes en auditrice) avec ses longs développements, son contrepoint rigoureux, ses thèmes mélodiques sinueux, son « air du temps » entre un idéal germanique et un rêve impressionniste. Lors de la création de l’œuvre, rue Monceau, Camille Saint-Saëns, surpris déclara : « Je n’aurais jamais cru qu’une femme fût capable d’écrire cela. Elle connaît toutes les roueries du métier. » « Un tempérament hypersensible, un caractère studieux et volontaire, une intelligence aiguë, une destinée à la fois brillante et tragique, tout cela constitua le ferment d’une œuvre magistrale » écrit Christine Géliot, l’arrière-petite-fille de Mel Bonis. Ajoutons un sens remarquable de la nostalgie, un don pour le clair-obscur et une écriture musicale parfois tourmentée. Avec Mel Bonis, rien n’est immédiat et direct. Son art diffuse un filtre impressionniste sur ses œuvres ne refusant ni l’orientalisme à la mode, ni un élan mystique digne des plus grands. Grace à l’engagement des jeunes musiciens du quatuor Giardini espérons que Mélanie Bonis descende bientôt du purgatoire où elle repose depuis trop longtemps.
* livret du CD Fauré / Bonis / i Giardini / Evidence Classics

Né en 2012 sous l’impulsion de ses 2 directeurs artistiques, Pauline Buet, violoncelliste et David Violi, pianiste, i Giardini est un collectif d’artistes inspirés et engagés parmi les plus talentueux de leur génération, réunis autour d’une sensibilité commune et de la même joie d’être sur scène. Espace de liberté et d’exploration, i Giardini s’inspire de la variété des sonorités et des personnalités pour révéler un univers romantique unique où les productions sont des matières vivantes, conjuguant exigence musicale de premier plan et ouverture permanente aux autres points de vue et formes d’expression. Fauré, Bonis, La Tombelle, Chausson, Schumann, Hersant, Bonardi… autant de compositeurs emblématiques ou à découvrir qui sont au cœur de leur démarche.